Ce n’est jamais bon signe…

Je me rappelle quand j’avais arrêté. C’était il y a dix ans, quasiment jour pour jour, et ma vie était terminée. J’avais renoncé à tous mes rêves, j’étais devenu la quintessence de tout ce que je refusais d’être, la caricature de ce que j’haïssais au plus profond de moi. J’avais fini de parfaire mon déguisement ridicule d’adulte responsable. Marié ou presque, deux filles qui venaient de naître, professeur apprécié et respecté, à deux doigts d’avoir des velléités professionnelle, il ne manquait que la maison spacieuse avec un grand jardin, au milieu d’un quartier résidentiel sans âme dans une ville réservée aux cadres sup. Alors je me suis marié et j’ai acheté la maison spacieuse avec un grand jardin, au milieu d’un quartier résidentiel sans âme dans une ville réservée aux cadres sup. Et j’ai attendu…

Il n’y avait plus qu’à patienter, voir venir la fin en perfectionnant sans cesse chacune des routines qui me donneraient l’illusion d’un bonheur enfin trouvé. J’ai finalement renoncé à toute ambition professionnelle, et j’ai passé ces dix années à faire en sorte que mon métier me libère le plus de temps possible. J’ai cultivé l’art de l’esquive professionnelle, tiré au flanc jusqu’aux limites de ce qui est permis, jusqu’à réduire son empreinte sur ma vie personnelle à son strict minimum. Partant de là, il me restait beaucoup de temps libre et deux choses à faire : jouer le jeu de la vie familiale et combler les trous par des exutoires. Courir le jour et passer mes nuits sur des jeux vidéos…

Voilà donc dix ans que je vois défiler ma vie en me murant dans l’impassibilité la plus totale, en ne parlant si possible à personne et en ne faisant semblant que quand c’est nécessaire. Dix ans à tourner en rond avec toujours les mêmes question. À quoi tout cela rime-t-il ? Tous ces gens sont-ils réellement heureux ou tout ceci n’est-il qu’une immense comédie régie par des codes que je n’arrive pas à saisir ? Et l’éléphant au milieu de la pièce, j’en fais quoi ? Elle, bordel, elle. Elle est est devenu quoi ? Est-ce que c’était elle, en 2009 ? Je vais donc mourir un jour, et je ne l’aurai jamais revue ? Sans jamais avoir eu les réponses à mes questions ?

Ce jeu aurait pu durer longtemps. Toute une vie, en fait. Et puis il y a eu l’année 2024…

 

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